Elucubrations hyper réalistes.
- « Vous sortez de temps en temps ?
- Non jamais
- Vous n’allez pas de temps en temps voir des amis ?
- Non je n’en ai pas, enfin je n’en ai plus.
- Vous n’allez pas au cinéma ?
- Je n’aime pas sortir seule me montrer seule. »
Il a pris note, et moi j’ai pris l’étendue du désert de ma vie.
Un désert que j’ai largement entretenu, et que ce boulot de
m* a étendu à son maximum.
Faisant rimer besoin de repos avec enclenchement d’un processus d’isolement.
Un isolement protecteur, comme on protège les fils électriques en les gainant de plastique.
Un isolement profond, physique et moral.
Me voilà bien avancée.
Non je ne sors pas, et je n’en ai même pas envie. Je ne sais absolument pas où aller.
Non je ne vais pas voir des amis, j’étais sur le point de m’en faire des chouettes l’année passée, mais il y avait la distance et cette foutue vision nocturne qui s’altérait jusqu’à disparaître.
Non je ne vais pas au cinéma.
Ça m’énerve de voir les gens en groupe, ça m’énerve de les voir en couple ou pire en famille.
Ça m’énerve de voir tout ce monde dans « la norme ».
Oh je pourrais aller dans un bar, il y en a des biens, mais je ressemblerais à quoi ? Je me demande bien à quoi je ressemble d’ailleurs, comment les gens du réel me voient.
Je serais peut être même capable de me mettre à boire.
Si c’est comme les photos récentes que j’ai vues, je n’irais pas vers moi.
Je me dirais, elle a l’air complètement paumée, on se demande ce qu’elle fout là. Et c’est exactement ce que je me demanderais.
« Je fais quoi là ? »
N’ayant pas de réponse, ni l’envie, je me borne à me lever, à allumer mon pc, juste à temps, à me laver, m’habiller, en me foutant royalement de ce que je mets, mais en m’habillant de façon relativement harmonieuse, sans recherche, de manière purement automatique.
Eh oui, il faut sortir le chien, ah celui là, si je pouvais m’en débarrasser !
On se débarrasse plus facilement des gens que d’un animal.
Un animal vous aime sans conditions. Les gens, c’est autre chose.
Une bouée de sauvetage se profile encore : le repas, il faut bien qu’ils mangent sainement.
Et en plus ça donne bonne conscience, une vaste duperie pour ce que je pense de moi-même.
Je ne peux pas,
Je ne veux pas
Et je reste plantée là.
Et j’attends que les lois faites par les hommes et non pas pour les hommes, décident de mon sort.
Je déteste attendre.
Je ne peux plus fuir par un activisme forcené, car je ne peux plus, je suis plantée.
Déracinée et plantée.
Métaphore entre le sens figuré et le vocabulaire horticole.
Et bien au sens propre du terme, je suis dans le flou le
plus total, mais en même temps c’est très clair.
Et au sens figuré du terme , je ne sais pas qui je suis, et je ne vois pas mes racines, qui devraient pourtant apparaître, vu la tempête qu’il y a eu sur le désert.
Mais il y a-t-il des plantes qui survivent seules dans un désert ?
- Soyons réaliste deux minutes me dis-je, en me flagellant, si tu avais des sous, tu ferais un voyage au soleil, mais tu n’en as pas.
- Puis : de toutes façons tu ne peux pas t’absenter en ce moment. Tu as des tas de démarches à faire.
- Oui, mais j’irais bien à la mer.
- Mais il fait froid, le vent souffle comme un fou.
- vivement les beaux jours.
- et alors ça changera quoi ?
Et ça continue, je continue à me parler, à m’engueuler, et je ravale tout.
Ça reste au fond de moi.
Je fais bonne figure.
Mais en sortant de chez le médecin, je suis allée à la pharmacie, acheter un sérum liftant.
10 fois moins cher qu’en parfumerie.
Je commence demain.