O toi !
Dès mon arrivée dans le monde des humains, à peine langée,
tu étais là, tu m’attendais, tu étais comme une fée penchée sur mon berceau.
Tu ne me quittais pas.
En grandissant, je me suis habituée à ta présence, comme l’air que l’on respire, comme une évidence, quelque chose qui faisait partie de ma vie, tu étais toujours là, même dans mon sommeil.
A l’école, tu venais avec moi, je l’ignorais parfois, mais les autres te voyaient, et tu me rendais différente.
Certains enfants avaient la même compagne que moi, nous nous unissions mais sans savoir ce qui nous rapprochait.
J’ai appris à vivre, parfois à t’ignorer, mais tu volais autour de moi, comme une petite fée, bienfaitrice ou pas ? Je l’ignorais. Mais jamais tu ne disparaissais.
La vie m’a fait rencontrer un mari, m’a donné trois merveilleux enfants, et là, tu es devenue omniprésente, jusqu’à chasser de mon existence ce compagnon.
Et nous étions toujours ensemble, j’ai presque failli faire de toi une amie, une source de paix, de tranquillité.
Leurrée par cette sensation d’indépendance que tu me donnais parfois, même au compte goutte.
J’ai voulu prendre un autre compagnon, à se demander si c’est toi qui l’as choisi pour moi, dans le but de me reprendre rien que pour toi.
C’est ce qui s’est produit, j’étais à nouveau sous ta coupe. Habituée à toi, j’ai vécu, j’ai fait ce que j’avais à faire, j’ai accompli mon devoir de mère, le seul devoir qui m’ait donné du bonheur, et que tu n’as jamais pu envahir.
J’ignore pourquoi encore à ce jour, sans doute leur rayonnement d’amour, te faisait-il de l’ombre.
Le temps a passé, je vieillis, les rides commencent à sillonner mon visage, à friper mon cou. Plus cela se produit plus je te sens près de moi.
Mes oiseaux quittent peu à peu le nid, leur destin
s’accomplit, c’est ma victoire, tu n’as rien pu faire. Mais quelque chose me dit que cela ne te déplaît pas.
Mais maintenant je sais pourquoi, maintenant et dans peu de temps, tu seras ma seule et unique compagne.
Mais je t’ai assez vue, tu m’étouffes, quand je te sens si présente les larmes coulent sur mon visage, doucement, jusqu’à ce cou marqué par le temps.
Je connais désormais ton nom. Rien que de le prononcer, j’ai envie de hurler, de te tuer, de baisser les bras devant un tel vide. Mais tu es au-delà du temps, au-delà de tout.
Je te hais, tu me fais peur, car tu t’insinues jusqu’au plus profond de mon être.
Qui a dit que la
SOLITUDE
Il m’est arrivé de le dire, de le penser, et de m’en satisfaire.
Non, tu es monstrueuse, tu me ronges de l’intérieur, et tu me coupes du reste du monde, allant jusqu’à me freiner dans le peu d’élan qui me reste pour m’éloigner de toi.
Solitude je te hais ! Tu me fais trop mal !